La Naissance d'un Mythe

À propos de ce dossier

La série ne serait pas ce qu'elle est sans de solides bases, posées par les premiers épisodes décrits dans cet article.


B) La Princesse : Zelda

La naissance d'un mythe

Personnage qui a donné son nom à la légende (c'est le cas de le dire), elle est également une princesse stéréotypée (1), pratiquement absente de la saga (2), mais qui pourtant ne reste pas aussi inactive que l'on pourrait le croire (3).

La Princesse typique

Zelda. C'est la princesse. Elle a été kidnappée par le grand méchant Ganon. Tu dois la sauver. Que d'originalité ! Voilà un scénario bien ficelé ! Elle au moins, cette princesse Zelda, elle ne rompt pas avec la tradition ! Que ce soit par Ganon (Zelda 1), un mauvais prince (Zelda 2), ou Aganhim (Zelda 3), elle trouve toujours moyen de se fourrer dans les ennuis, et à chaque fois c'est à Link d'aller la sauver... Non mais, vous imaginez ? A quoi ça sert, une princesse, si ce n'est qu'à se faire capturer ? A croire que dès leur plus jeune âge on leur apprend à réussir à se faire capturer par un grand méchant. Sinon, une princesse, ça ne sert à rien. Regardez dans Mario, lui aussi doit allez sauver sa princesse ! Il faut croire que Zelda a plus de chance, car elle voit un vaillant jeune homme venir la secourir. Quant à l'autre... Non, je n'ose même pas imaginer la scène... Elle sort de sa cage, et c'est un plombier, tout sale à force de glisser dans les tuyaux, et ressemblant plus à Père Dodu qu'à un vrai héros, qui vient la sauver ! Ah ça, quand on est une blonde... Tu n'avais qu'à être brune, comme Zelda ! Tiens, c'est vrai, ça... Zelda est brune ? Ce n'est pas si classique pour une princesse... Mais j'y reviendrai.

La naissance d'un mythe

Le personnage fantôme

On achète Zelda 1, on insère la cartouche, on commence l'aventure. C'est bien. Eh bien on ne verra pas la princesse Zelda avant d'avoir terminé le jeu ! Pour un gamin de six ans comme j'étais lorsque j'ai eu le jeu, comptez quatre bons mois. Et la récompense, à la fin ? Une princesse qui s'approche, ne dit même pas merci alors qu'elle vient de passer quatre mois enfermée dans une prison gardée par un cochon géant, et le jeu qui s'arrête là ! Non, c'est nul ça ! Remboursez ! Je veux ma princesse ! A poil ! Heu... Pardon je m'emballe là. Je disais donc : cette fameuse princesse, dont on me parle tout le temps mais dont je n'ai pas vu le bout du nez, a l'air de vouloir se faire désirer. Dans Zelda 1, elle n'est jamais là, sauf pendant cinq secondes à la fin. Belle récompense ! Si j'étais Link, j'irais chercher une femme ailleurs. Mais dans Zelda 2, la princesse semble avoir compris la leçon. Donc, plutôt que de se faire emprisonner par un grand méchant vilain pas beau, elle se fait endormir. Comme ça, à chaque fois qu'on redémarre le jeu, on commence à côté de la princesse endormie. C'est bien, d'avoir une princesse légume à côté de soi.

La naissance d'un mythe

Comme ça, ça aide à passer le temps, en attendant de la réveiller. C'est mieux que rien. Mais fort heureusement elle se rachète à la fin... Et dans Zelda 3, me direz-vous ? Là Zelda sait que Link en a assez qu'elle se dérobe toujours à lui, alors elle se fait emprisonner, certes comme d'habitude, mais Link la libère dès le début du jeu ! Pratique, non ? Comme ça, il la retrouve quand il veut au sanctuaire... Regardez-les comme ils sont mignons à côté du prêtre dans l'église (tiens, pas mal l'église... Je devrais peut-être la ripper pour RPGmaker...) ! On dirait qu'ils sont à la cérémonie de mariage ! Et puis cette fois Zelda rend à Link toute sa barre de vie dès qu'elle lui parle. Elle fait enfin quelque chose ! Et qu'en est-il de Zelda 4 ? Eh bien Zelda est partie en vacances, Ganon a pris ses congés, et Link est tout seul. Notez que, même sans l'apparition de Zelda, le jeu continue à s'appeler Zelda...

Un Princesse active

La naissance d'un mythe La naissance d'un mythe

Camarades, la révolution féminine est en marche ! La princesse Zelda travaille ! Si si ! En effet, dans le premier épisode, Zelda ne se contente pas d'aller voir Ganon en lui disant : "S'il vous plaît, m'sieur le méchant, vous pouvez me capturer, hein ?". Non. Elle va pousser Ganon à venir la capturer, à cause de ses actes justement ! Car elle possède de nombreux pouvoirs... dont la télépathie et le don de prescience. Et en plus, elle parvient même à briser son fragment de Triforce en huit morceaux ! Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je crois qu'il faut une puissance surhumaine pour parvenir à briser un artefact aussi puissant que la Triforce !

Et dans Zelda 2, me direz-vous, elle ne fait rien, puisqu'elle est endormie pour avoir refusé de révéler au méchant le pouvoir de la Triforce. Que nenni ! Car elle se réveille à la fin, et se montre sous son vrai jour... Elle se lève, rejoint Link. Elle s'approche et lui prend les mains... Oh que c'est romantique ! ;) Puis tout doucement le rideau se baisse... Mais juste avant qu'il ne sois tombé tout en bas, on voit la princesse qui se rapproche d'un coup sec sur Link... Elle est tout de suite plus audacieuse, dès que personne ne la regarde ! Mon petit esprit innocent et pur (si si) n'ose même pas imaginer ce qui se passe lorsque le rideau est entièrement tombé...

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Quant à Zelda 3, ici la princesse est même bien plus courageuse que n'importe quelle princesse : elle accompagne Link au milieu de hordes de gardes vilains et pas beaux ! Et elle va même jusqu'à le suivre dans les égouts ! Mademoiselle ne fait pas la difficile, pour une fois ! Lorsque l'on sait qu'elle pourrait à tout moment se prendre un coup d'épée égaré de Link, elle continue de le coller de près ! Si j'étais elle, je ne suivrais pas un gamin qui manie l'épée pour la première fois au milieu d'une horde de gardes expérimentés et dans les tréfonds des égouts infestés de rats, chauves-souris et de serpents !

Sa nouvelle teinture de cheveux lui donnerait-elle du courage ? Notons que Zelda a la chevelure qui s'est éclaircie depuis le temps. Dans la tradition de l'inconscient, la blonde incarne souvent l'instinct maternel, celle qui veille sur les autres, tandis que la brune incarne la sensualité et la provocation (cf. J.-J. Rousseau, Les confessions). Serait-ce à cause de cela que la Zelda débridée à la fin du 2 prend les choses en main et aide Link dans le début du 3 ? Comme quoi, une couleur de cheveux, ça tient à peu de choses, mais ça change tout !

C) Le méchant : Ganon

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Le méchant dans la plus pure tradition, Ganon ressemble à une espèce de cochon tout bleu (du moins au début) (1). Il n'occupe pas une place très importante dans la série (2), alors qu'il est censé être un des personnages les plus puissants d'Hyrule (3).

Un physique étrange

Mais à quoi peut donc bien ressembler le gros méchant de l'histoire ? Un grand nécromancien drapé dans une cape noire ? Un démon aux yeux luisant de feu avec des cornes dignes de Belzébuth ? Non, pas du tout : c'est un cochon. Un peu gros, certes, mais un cochon quand même. Et pas n'importe quel cochon : un cochon bleu ! Regardez bien comment il apparaît dans Zelda 1 : un cochon bleu avec un T-shirt rouge vif ! Il faut croire que c'est hyper tendance dans les soirées people d'Hyrule, parce que Ganon va conserver cet accoutrement (à l'apparence plutôt ridicule) jusqu'à l'épisode 3 ! Donc pendant plusieurs années. Cela démontre une volonté des designers de Zelda 3 de revenir à un esprit plus "fidèle" au Zelda d'origine, abandonnant les références au second volet de la série.

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Car effectivement, dans Zelda 2, il n'y a plus de Ganon à combattre : il n'apparaît qu'une seule fois en tout et pour tout dans le jeu : à l'écran de Game Over. Cet écran indique que Ganon est revenu d'entre les morts... Eh bien il faut croire qu'il n'est alors pas encore bien réveillé, à en juger par son regard bizarroïde, avec un oeil plus grand que l'autre. Ganon est donc un méchant hors du commun : son apparence n'est que symbolique.

Alors que dans les autres jeux, le méchant a des allures terrifiantes, Ganon a des formes qui ne sont pas aussi repoussantes. Pour reprendre encore et toujours l'exemple de Mario, Bowser est un grand monstre avec des cornes, qui crache du feu, et dont la carapace est munie de pointes... Ganon est un espèce de cochon grassouillet qui a plus l'air d'un débile mental que d'un machiavélique prince des voleurs (ce qu'il est censé être). C'est juste son apparence symbolique de cochon en tant qu'animal sale. Mais qu'ont-ils donc, contre le cochon ? Comme le dit si bien Bernard Werber dans Le Père de nos Pères, "Le porc est vraiment une bête noble dans tous les sens du terme [...]. Il est intelligent. Il est affectueux. Il est sensible. Il a le sens de la famille." Que des qualités que Ganon n'a pas... Le pauvre... Il est un porc à part.

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Ganon l'absent

Après le grand succès de Où est Charlie ? , voici Où est Ganon ?En effet, Ganon n'est jamais là. Récapitulons. Premier épisode. Il est le méchant, le vilain. Le but est de le tuer. Eh bien la star se refuse à apparaître ! Il faut aller la déterrer au fond d'un donjon en forme de tête de mort pour se livrer à un duel assez fade, il faut le dire. Même pas de musique épique de boss pour l'affronter : la banale musique insipide de donjon poursuit son cours... D'habitude, lorsque le héros rencontre le méchant qu'il traque depuis toujours, il s'instaure un dialogue où les deux adversaires se pavanent et se défient (exemple archi-classique : "Vil démon ! Au nom de la Vertu et de la Lumière je vais te pourfendre de ma sainte épée pour te renvoyer aux tréfonds des abysses d'où tu viens !" "Ha ha ha, pitoyable humain, tu ne peux rien contre ma puissance démoniaque de la fureur des abysses de la mort de la fin du cataclysme de l'anéantissement et tout le tralala..."). Ici, non : rappelez-vous que Link, dans l'épisode 1, ne sait pas encore parler ! ;) Alors il rentre chez Ganon, ne lui fait même pas un compliment sur la déco de sa demeure (qui, soit dit en passant, est d'un goût douteux), et les deux protagonistes s'attaquent sans échanger un seul mot. Fade.

Ganon aurait-il un meilleur rôle dans le deuxième épisode ? Que nenni ! C'est même encore pire : il n'est pas là du tout, sauf si vous mourez. Son contrat avec Nintendo a dû être rompu, à cause de son caractère de... cochon ! (bon désolé, je sais, elle est nulle celle-là... Ok, je sors) Ganon a donc été licencié dans l'épisode 2 (raisons de budget, ou parce que le public musulman ne supporte pas de découper du cochon ? Mystère...). Dans Zelda 3, Ganon revient. La star reviendrait-elle en triomphe ? Mais non, pire : elle entre par la porte de derrière, cachée dans le dos d'Aganhim ("C'est pas moi m'sieur, c'est Aganhim le vilain qui a tout fait !"). Ganon a à ce point peur de Link qu'il a besoin de faire croire que c'est un mage inconnu le vrai méchant. Et enfin, dans Zelda 4 ? Eh bien là Link se retrouve embarqué dans le rêve d'un poisson qui a fumé des trucs pas clairs, alors quant à penser que Ganon serait là-dedans...

Ganon, le Prince sans sujets

Ganon, prince des voleurs. Tel est son titre. Déjà, ce n'est pas très honorifique. Si on me demandait d'être le méchant, je jouerais bien un Vhailor, prince des ténèbres, ou Vhailor, prince des démons, ou encore Vhailor, prince du Mal. Malheureusement pour Ganon, il n'a hérité que du titre de prince des voleurs. Avouez que c'est moins terrifiant, tout de suite. Et puis ça ne sonne pas si bien. Généralement, les voleurs sont des lâches. Dès lors on comprend aisément que le cochon bleu se terre au fond de son palais : les autres princes du Mal doivent bien se moquer de lui, dans les netmeetings de méchants.

De plus, un prince se doit d'avoir de fidèles et loyaux sujets entièrement voués à sa cause. Alors, où sont les voleurs qui servent Ganon ? Car les monstres qui peuplent son palais ont l'air de tout sauf de voleurs. Vous pensez qu'une horde de chevaliers qui ressemblent à des gardes Teutons sont dans la tenue idéale pour exercer leur profession de voleurs ? Dans Hyrule, pour trouver un voleur, il faut bien chercher. Encore en trouve-t-on un dans Zelda 3, dans les bois brumeux. Mais celui-ci n'a pas l'air d'un ignoble suppôt de Ganon...

Tout ceci pour dire que le background des premiers Zelda était relativement peu soigné, il faut le reconnaître. A se demander à quoi sert la storyline de ce jeu. En effet, pas ou peu de rebondissements dans la quête de Link (excepté un effort dans Zelda 3), qui doit juste se contenter la plupart du temps d'aller faire les palais un par un et réunir les huit fragments de Triforce / cristaux / instruments de musique (rayez les mentions inutiles selon les épisodes). Une fois qu'il les a tous, il se rend au dernier palais et débusque le grand méchant pour lui casser la figure. Simpliste, non ?

Voici donc pour cette présentation des personnages. Restait Impa, la "nurse" de Zelda, mais son rôle était minime : juste une messagère peu digne d'intérêt. Nous allons désormais nous attarder sur le coeur du sujet : les jeux en eux-mêmes.

Dossier réalisé par Vhailor, le 16 octobre 2004