Interview - Zelda : Chronique d'une saga légendaire

À propos de l'interview

A l’occasion de la réédition de Zelda : Chronique d'une saga légendaire, nous sommes revenus sur les dessous du livre en compagnie de Medhi El Kanafi, co-auteur de l’ouvrage.


Justement, comment est née cette envie d’écrire le livre ? J’imagine que c’est un gros investissement en temps et en énergie ?

À l’époque, on était tout jeune patron de Console Syndrome et on venait tout juste de publier deux livres, un sur la saga Assassin’s Creed et un deuxième sur les jeux dématérialisés, Download.

On avait envie de nous attaquer à une plus grosse série et, tout bêtement, on s’est demandé quelles séries on aimait et n’avaient pas encore été traitées en édition papier. Les publications sur les jeux vidéo ne sont pas très répandues dans le monde. Pour Zelda, il y avait un livre de philosophie sorti aux États-Unis, mais en France on n’avait rien qui rassemblait et synthétisait un peu tout ce que l’on savait sur Zelda, et qui essayait d’apporter une touche nouvelle, analytique et personnelle.

Tout bêtement, on a décidé de lancer ça parce qu’il y avait un vide, qui était pourtant énorme ! On a réitéré après avec Final Fantasy… je suis navré, mais la série de ma vie ce n’est pas Zelda mais Final Fantasy. On s’est alors demandé par où commencer car il n’y avait rien sur FF7, c’était juste une constatation, tout comme il n’y avait rien sur Zelda !

L’annonce de Hyrule Historia, qui allait sûrement aussi être publié aussi en France, vous a t-elle freinée dans votre démarche ? (ndla : le livre sortait au Japon à la même période, pour célébrer les 25 ans de la série)

Non, car à l’époque on avait eu vent de ce livre et on a tout de suite su l’orientation de Hyrule Historia, qui était essentiellement axée sur le visuel, un artbook avec énormément d’anecdotes. La démarche était vraiment à l’opposée ! Cela ne nous a donc pas du tout freiné et nous a même encouragé à le faire, car cela initiait un peu les gens à la lecture et à se tourner vers l’édition, que ce soit par le biais d’un artbook ou d’un livre uniquement textuel. Qu’il y ait un livre ou qu’il y en ait plusieurs, c’est mieux que rien du tout pour le joueur qui, s’il s’y habitue, fera plusieurs achats par la suite et sera content !

C’est mieux comme ça, d’autant plus avec des angles d’attaque qui sont différents.

C’est donc l’aspect analytique qui distingue votre ouvrage et Hyrule Historia ?

Oui, car c’est sûr que concernant le nôtre, sur l’aspect purement visuel, il n’y a pas grand-chose à regarder, même si on a essayé de porter attention au livre en lui-même, à l’objet, à l’extérieur. On a su rapidement que notre seule arme allait être la couverture, donc on a vraiment misé là dessus.

Mais en dehors de cela, la différence entre Hyrule Historia et nous se fait sur l’aspect analytique. On a essayé de synthétiser tout ce qu’il se savait sur Zelda, en apportant une touche personnelle. À l’époque, c’est quelque chose qui a fait peur à nos collègues de Pix’n Love, qui eux misaient plutôt uniquement sur l’histoire, là où nous avons essayé de bouleverser un peu les lignes en nous disant que nous allons essayer de proposer autre chose, un autre genre de livre, pouvant aussi s’attarder sur l’aspect personnel.

Nicolas et moi avons essayé de lui apporter un peu de vécu en disant "Voilà notre vision, ce que l’on voit à travers ce Zelda !" et en essayant de décrire des influences qui ne sont pas forcément avérées. Quand, par exemple, je parle de l’influence de l’art mexicain sur Majora’s Mask, entre autre au niveau de la colorimétrie, c’est quelque chose que l’on va décrypter, car on estime que le jeu vidéo est un sujet d’étude. Si c’en est un, par définition, on peut aller plus loin que l’auteur lui-même. C’est ce qu’on a essayé de faire avec Zelda : d’aller plus loin sans que cela se veuille prétentieux ou élitiste : c’est une vision personnelle et qui peut s’avérer contradictoire avec l’avis du lecteur, qui peut ne pas avoir la même vision.

On a pu lire des critiques de fans, notamment au sujet du chapitre faisant le parallèle entre le parcours initiatique de Link, dans Ocarina of Time, et l’évolution de sa vie sexuelle. Ces derniers trouvent généralement les explications trop tirées par les cheveux et vont alors parfois jusqu’à remettre en question l’intégralité du livre. Qu’as-tu à répondre à ces lecteurs ?

Je ne sais pas si les lecteurs ayant émis ces commentaires ont eu l’idée d’aller voir les mentions au début du livre, mais ce chapitre est le seul où nous n’avons rien écrit. Il a été écrit par Selami Boudjerda, un autre auteur, rédacteur pour Role Playing Game (un magazine sur les jeux de rôles) et qui a une vision analytique encore plus poussée que la nôtre.

Avec Nicolas, on essaye d’avoir une réflexion qu’on estime à la portée de tout le monde, qui se base sur le savoir et la culture populaire. Selami Boudjerda a une réflexion universitaire et il nous a proposé ça. C’était sa vision ! On s’est alors dit qu’on n’avait pas la même vision et je pense même que je ne suis pas d’accord avec tout dans ce chapitre. Mais, c’est sa vision !

Même si on n’est pas d’accord, cette vision est argumentée et s’intègre donc dans la symbolique de ce qu’on a voulu faire : un partage de points de vue argumentés. Même si moi je ne suis pas d’accord, il a proposé quelque chose de construit et on a dit "Bingo : on va voir si les gens adhèrent ou pas, mais dans tous les cas c’est quelque chose d’exceptionnel pour nous dans le sens où ce n’est pas quelque chose que l’on peut lire sur Internet. Donnons lui sa chance et si les gens n’adhèrent pas à cette vision, il n’y a pas de soucis, c’est une vision universitaire qui ne se veut pas être une réalité."

Mais tu peux peut-être me dire ce que tu en penses toi ?

A titre personnel, en lisant ce chapitre, je n’étais pas d’accord avec tout ce qui était dit. Cela n’invalidait pas pour autant le reste de ce que j’avais lu auparavant et qui était beaucoup plus factuel. Mais cela apportait une fraîcheur au livre et permettait au moins d’avoir un regard différent sur un jeu que je connaissais par cœur, d’avoir une vision construite sur des références autres que les miennes !

Tu l’as presque mieux expliqué que moi, c’est exactement ça (rire). Peux-tu te citer dans l’interview s’il te plait ? (rire)

Ce n’est pas dans mes habitudes, mais je ferais une exception ! (rire).

Interview réalisée par Zemo, le 30 novembre 2013

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