Interview : Florent Gorges (Hyrule Historia)

À propos de l'interview

Florent Gorges, traducteur des mangas Zelda et de Hyrule Historia pour Soleil Manga, répond à nos questions sur les dessous du monde de l'édition.


Tu as traduit l'ensemble des mangas Zelda de Akira Himekawa. As-tu rapporté ce projet de publication à Soleil ou bien est-ce que ce sont eux qui ont fait appel à toi pour la traduction ?

J’ai apporté le projet en 2004, oui. Après mon retour du Japon (je venais d’y passer 3 ans), j'ai été pris aux Editions Soleil en tant que traducteur de manga free lance. Le directeur de collection de l’époque, Pierre-Alain Szigeti, était sans cesse en recherche de bons titres à publier. Il m’a demandé ce que je lisais comme manga au Japon et si j’avais des idées de titres à publier. Parmi mes suggestions, je lui ai suggéré les mangas Legend Of Zelda d’Akira Himekawa, qu’il ne connaissait pas. Je l’ai convaincu du potentiel et il s’est ensuite battu pour l’obtention des droits. Ca a pris plusieurs années et la plupart des éditeurs français ont essayé mais Nintendo refusait de les céder. Du coup, ils ont tous lâché l’affaire. Mais pas lui et il a trouvé des moyens de les convaincre. Et quand les droits sont finalement tombés, les successeurs de Pierre-Alain ont été sympas et m’ont logiquement confié la traduction. Outre le fait que je leur avais présenté la série, ils savaient aussi que j’étais sûrement l’un des plus qualifiés dans ce domaine (le jeu vidéo/Nintendo). Donc voilà.

De combien de temps disposes-tu en moyenne pour traduire un manga ?

En fait, un éditeur français nous donne son feu vert pour traduire un volume quand il a reçu le contrat signé de la part de l’éditeur japonais. Mais les éditeurs français voient très large et préparent leurs plannings de sortie parfois plus d’un an à l’avance. Les contrats sont donc signés très tôt en avance. Or, vu que Soleil prévoyait de sortir un volume tous les deux mois, j’avais parfois un an devant moi pour la traduction d’un Zelda. Tu vois, les délais ne veulent en fait rien dire car en fonction du volume et de sa date de sortie prévisionnelle en France, ça varie considérablement. J’ai beau avoir 6 mois devant moi pour une traduction, en fait, quand je me lance dedans, je n’ai besoin que d’une bonne dizaine de jours pour un Zelda.

Y a-t-il une pression particulière lorsque l’on travaille sur la série Zelda ?

Carrément ! D’habitude, à temps plein, il ne me faut que 4 jours pour traduire un manga. Là, c’était 10 ! Et ce, uniquement à cause de cette fameuse pression. Je ne t’apprends rien, mais les communautés de geeks/gamers sont très exigeantes et ne tolèrent en général aucune bourde. Sinon, tu le sens passer sur les forums où ton nom est sali à un point que même Omo Machine Citron + ne peut plus rien pour toi… Du coup, il fallait vraiment veiller à ce que tout soit absolument parfait… Zelda, c’est un truc que tu n’as pas le droit de rater et ça demandait un peu plus de concentration que d’habitude…

Quelle est la principale difficulté que tu as pu rencontrer lors de l'une de tes traductions? L'univers original est-il facile à transposer dans notre pays ?

La traduction d’un volume de The Legend Of Zelda en tant que tel n’a pas été difficile. J’imagine que pour un traducteur ne connaissant rien à cet univers, ça aurait été autrement plus compliqué. Mais j’avais la chance de relativement bien maîtriser le sujet "Zelda" dès le départ. Donc pour moi, la principale difficulté a en fait été de ne pas me tromper dans les noms. J’ai joué à la majorité des Zelda en japonais. Or, tous les noms diffèrent d’un pays à un autre. Voire même d’un jeu à un autre ! Des fois, en japonais, "seichi" se dit "la terre d’or" et d’autres fois, "le saint royaume" en français. De la même façon, en fonction des épisodes, il faut dire "excalibur", "l’épée de légende" ou "master sword", etc. Et si tu te trompes, ne serait-ce qu’une fois, le lecteur lui n’hésite pas à t’insulter comme si tu n’étais qu’un imposteur illégitime. ^^ Ce ne sont que deux exemples, hein, mais c’était un peu comme ça pour tous les noms propres de la série (items, PNJ, lieux, etc.). Bref, il était facile de tout mélanger, même avec des lexiques officiels sous la main. Mais à part ça, pas de difficulté particulière à constater…

Est-ce que ton travail se limite uniquement à la traduction, ou bien es-tu aussi consulté pour certains choix éditoriaux ?

En temps normal, pour tous les mangas que je traduis, je ne gère que la traduction et l’adaptation. Mais pour les travaux concernant Zelda, ça va un peu plus loin et je suis généralement un peu consulté pour d’autres choses comme le marketing. En outre, je tiens aussi à participer au process de relecture, quand les volumes sont maquettés et juste avant le départ en impression.

Interview réalisée par Zemo, le 17 avril 2013

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